Chronique du monde qui bouge
Ghita El Khyari : leadership et diplomatie féministe à l’ONU

Deputy Head of the Secretariat du UN System Wide Gender Equality Acceleration Plan, Ghita El Khyari partage son parcours international, son engagement pour l’égalité de genre et ses conseils aux nouvelles générations.
Un parcours international et engagé
Originaire de Rabat, Ghita a étudié à Paris puis à Londres. Son premier contact avec l’international s’est fait à travers la gouvernance locale, au Conseil Régional d’Ile-de-France, où elle a débuté sa carrière en tant que chargée de mission. Après deux stages à l’ONU, elle devient consultante à l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime à Vienne, travaillant sur la prévention du terrorisme.
De retour au Maroc, elle rejoint le Ministère des Affaires Étrangères : d’abord conseillère à la Direction des Nations Unies, puis conseillère au Cabinet du Ministre, avant de devenir Directrice de cabinet du Secrétaire général. Ces postes lui offrent une expérience politique et diplomatique solide, préparant son engagement futur pour l’égalité de genre.
Elle rejoint ensuite le bureau d’ONU Femmes à Rabat comme Responsable des Programmes et adjointe de la représentante.
Le tournant majeur de sa carrière survient en 2016, lorsqu’elle prend la direction du Fonds des Femmes pour la Paix et l’Action Humanitaire (WPHF) à New York. Pendant sept ans, elle dirige ce mécanisme de financement qui soutient les organisations de femmes dans les zones de conflit et les crises humanitaires, couvrant Haïti, la RDC, l’Ukraine, la Palestine, l’Afghanistan, et même le COVID.
« J’ai eu l’occasion à la fois d’apprendre énormément, de me sentir utile, et de construire un Fonds et une équipe solide et impliquée. »
En mars 2024, elle devient Directrice adjointe du Secrétariat du Plan d’accélération de l’égalité des sexes, un rôle stratégique dans un contexte mondial marqué par des reculs en matière de droits des femmes.
Gouvernance et égalité de genre : défis et diplomatie féministe
Ghita El Khyari souligne que les institutions internationales font face à plusieurs obstacles persistants. Selon elle, les mentalités restent conservatrices et la culture patriarcale domine encore dans de nombreux contextes. Les femmes sont souvent dépriorisées comme catégorie minoritaire, et il existe un manque de redevabilité sur les questions de genre. De plus, les espaces et modalités de travail ne sont pas toujours adaptés aux besoins des femmes.
« Les institutions sont faites d’hommes et de femmes. Et l’ONU n’échappe pas à la règle. »
La diplomatie féministe apparaît, selon elle, comme un levier majeur pour transformer ces pratiques. Elle associe féminisme et diplomatie, apportant un véritable changement de paradigme dans le traitement de l’égalité femmes-hommes. Elle rend la diplomatie plus efficace et globale, tout en soulignant que le féminisme est à la fois politique et diplomatique, et non seulement symbolique.
Regard sur l’actualité internationale
Ghita note que la période actuelle interpelle particulièrement les fonctionnaires internationaux. La crise du multilatéralisme, l’affaiblissement du droit international et le retour à une logique de « loi du plus fort » compliquent leur travail. Elle déplore également une certaine faillite morale face à certaines crises, notamment en Palestine.
Ces enjeux rendent la coordination et la promotion de l’égalité de genre plus complexes, mais d’autant plus cruciales dans le contexte mondial actuel.
Conseils aux nouvelles générations
Pour les jeunes étudiants, chercheurs ou professionnels issus de la diaspora, Ghita recommande d’aller vers la diversité et l’innovation, car le système international a besoin de nouvelles compétences et expériences. Elle encourage également à saisir les opportunités de mobilité, car travailler à l’étranger permet de découvrir des opportunités invisibles au départ. Enfin, elle insiste sur l’importance de rester fidèle à sa motivation initiale et de ne jamais perdre de vue les raisons qui poussent à rejoindre les affaires internationales.

« Allez‑y, surtout en début de carrière. »
Perspective personnelle et inspiration
Aujourd’hui, Ghita prend une pause dans sa carrière ONUsienne pour se consacrer à l’écriture de romans et au coaching en carrières internationales. Elle s’inspire de Françoise Sagan :
« Il n’y a pas d’âge pour réapprendre à vivre. On dirait même qu’on ne fait que ça, toute sa vie. Repartir. Recommencer. Respirer à nouveau. »
Cette approche illustre son engagement à réinventer sa carrière tout en restant fidèle à ses convictions, tout en inspirant les générations futures.
Écho des lecteurs


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